Le captage de carbone et son utilisation ou stockage (CCUS) et ses défis méthodologiques dans l’ACV
Carbon Capture, Use and Storage
WeLOOP a réalisé un projet avec CyVi et ScoreLCA sur les techniques de captage de carbone et son utilisation ou stockage (Carbon Capture, Use and Storage) et les défis méthodologiques qu’elles posent dans l’Analyse de Cycle de Vie (ACV), à la fois pour les instances politiques, mais aussi les entreprises et praticien·nes ACV.
Des entretiens ont été réalisés avec 10 expert·es sur les CCUS, de différents pays et différents secteurs (industrie, recherche, institutions publiques…) pour avoir une vision globale sur les CCUS en pratique aujourd’hui.
Que sont les CCUS ?
Les CCUS sont l’ensemble des techniques permettant d’éviter l’émission de CO2 ou de le retirer de l’atmosphère, puis d’utiliser ou de stocker le carbone sous différentes formes. Les CCUS seront nécessaires pour atteindre la neutralité carbone. Une fois les émissions de GES réduites au maximum, il faudra stocker les émissions résiduelles.
Seul le captage naturel est utilisé à grande échelle aujourd’hui via le boisement et le reboisement, mais la tendance actuelle à l’échelle mondiale est à la déforestation. Il reste encore à inverser la tendance pour parler d’effet de puit.
De nombreux freins sont encore à déverrouiller avant la mise en place à grande échelle des technologies CCUS, mais il est important de réfléchir dès maintenant à leur implantation, et des solutions existent déjà.
Missions pour ScoreLCA
C’est un travail pionnier, ces technologies sont encore peu répandues sur le marché, et les praticiens ACV n’ont pas encore d’expérience. L’ACV est d’autant plus nécessaire dans ce domaine que les études se focalisent généralement sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), avec un risque accru de transfert d’impact vers d’autre catégories (Utilisation de ressources minérales, d’eau, Écotoxicité…).
Nous avons réalisé un état de l’art sur les solutions disponibles actuellement, du captage au stockage ou l’utilisation du CO2, et développé une nomenclature. Le captage est distingué en deux catégories.
- Captage naturel : il ne nécessite pas d’apport d’énergie, et génère des molécules complexes, comme la cellulose par exemple.
- Captage technologique : il nécessite un apport d’énergie et produit du CO2 sous une forme pure.
Le schéma ci-dessus présente la synthèse de notre travail de classification des technologies de CCU/S, avec les temporalités de stockages des différents devenir du carbone.
Elles couvrent l’ensemble des potentielles applications ou formes dans lequel le carbone est stocké (par exemple, la catégorie “biomasse vivante” inclus des plantes annuelles et arbres pouvant vivre plus de 100 ans). Les dégradés indiquent la variabilité potentielle de la durée de stockage.
Difficultés méthodologiques
Les difficultés majeures pour l’ACV des CCU/S sont la valorisation de la temporalité de stockage et la répartition des impacts entre les acteurs captant le CO2 et ceux l’utilisant.
Comment récompenser une laine de bois qui stocke du bois pendant 50 ans alors que le bois énergie relargue directement le CO2 ? Qui doit bénéficier des crédits associés à l’utilisation du CO2 ? D’autres questions subsistent également, notamment sur la façon de traiter le statut du carbone, et comment classifier les flux.
Traitement de la multifonctionnalité
Nous avons proposé une nouvelle méthode hybride, pour répartir les impacts entre producteur et utilisateur de CO2.
La méthode hybride « Offre/demande » proposée se veut juste, simple à mettre en place, et a pour but d’encourager la mise en place de solutions les plus efficaces possibles, en s’affranchissant de la dépendance aux énergies fossiles.
Les impacts et bénéfices du captage sont calculés grâce à une extension des frontières du système avec substitution du procédé générant le CO2, puis ils sont répartis entre le produit principal et le CO2 selon un facteur d’allocation fixé au niveau politique pour respecter l’agenda de neutralité carbone.
Temporalité
Nous avons comparé les résultats de calcul entre différents produits, via quatre méthodologies et normes : ILCD, PEF, EN15804 A2 et ISO14040/14044.
Les études de cas ont été réalisées sur le biodiesel de 2e génération (produit à partir de bois et de paille), les pellets de bois, la laine de bois (avec deux fins de vie possible, incinérée ou mis en décharge) pour comparer le stockage associé à différentes utilisations et enfin sur différents types de ciment pour comparer le stockage géologique d’un même produit.
Trois ciments différents ont été utilisés : le ciment CEM I, modélisé dans Ecoinvent, et deux ciments dont le carbone est capté puis stocké. La différence entre les deux est que l’un utilise des Combustibles Solides de Récupération (CSR, carbone statut biogénique), l’autre un combustible fossile pour la production de clinker.
Les pellets servent de référence ici car il n’y a pas d’effet de stockage. ILCD encourage le stockage le plus long possible, avec une valorisation de la mise en décharge. Pour PEF et EN15804, il n’y a presque pas de variation entre les différents produits, car le stockage n’est pas pris en compte. ISO14040 autorise la considération du stockage permanent, sans effet dynamique, ce qui aboutit à un résultat égal aux pellets pour la laine de bois incinérée, et négatif pour la mise en décharge.
Pour ILCD, les résultats pour le ciment fossile et CSR sont égaux, car les CSR ont le statut de déchet, et n’ont donc pas de bénéfice associé au carbone biogénique capté. Pour PEF, l’utilisation de CSR est valorisée, mais l’impact total est supérieur à celui du CEM I, car le stockage n’est pas autorisé, et donc l’effort supplémentaire nécessaire au captage n’est pas récompensé. EN15804 autorise le stockage de carbone fossile, mais pas de carbone biogénique, ce qui aboutit à des impacts supérieurs pour le ciment CSR. Pour ISO, les résultats sont égaux à ILCD car il n’y a pas d’effet d’utilisation temporaire.
Le besoin d’harmonisation entre les méthodologies, identifié au niveau de la Commission Européenne, est important pour les études CCU/S, et le sera de plus en plus.
Le travail réalisé pour ScoreLCA nous a donné une expertise unique pour la réalisation d’études CCU/S.
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