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Un avenir imprévisible pour l’industrie européenne des batteries pour voitures électriques

Lithium : le nouvel or blanc des batteries


Les batteries lithium-ion (LIB) connaissent une croissance exponentielle dans le secteur des transports (petite et grande mobilité) et pour le stockage des énergies renouvelables qui sont des enjeux clés de l’Europe pour la transition écologique. Cette croissance est amenée à durer aux vues des annonces dinterdiction de ventes de véhicules thermiques d’ici 2035.

Depuis 10 ans, les principales technologies du marché des batteries de véhicules électriques (VE) sont les batteries lithium-ion avec l’électrode positive (Nickel Manganèse Cobalt) progressivement de 111 à 622 puis 811 (les chiffres représentent dans l’ordre les pourcentages de Nickel Manganèse Cobalt). Les enjeux de ces batteries sont multiples :

  • Les batteries NMC contiennent des matières premières critiques (CRM) pour l’Union européenne (UE), telles que le cobalt, le lithium et le graphite naturel. Ces matières sont critiques en raison de leur grande importance économique, ainsi que la situation géopolitique des pays d’approvisionnement et leur condition d’extraction dans ces pays.
  • Elles représentent un risque en termes de sécurité, en raison de leur inflammabilité. Les teneurs plus importantes en nickel des batteries NMC 811 augmentent les performances de la batterie mais également linstabilité thermique.   
batteries

Pour concurrencer les NMC, de nombreux constructeurs automobiles ont annoncé passer sur des technologies LFP (Lithium Fer Phosphate). Ces batteries sont moins performantes que les NMC mais permettent de limiter les couts, l’usage de métaux critiques ainsi que les risques de sécurité.   

En juillet 2023, la Parlement européen et la Commission ont validé le nouveau texte réglementaire sur les batteries qui remplace la directive applicable datant de 2006. Ce nouveau texte a pour ambition d’encadrer le cycle de vie complet des batteries et d’inscrire leur développement dans une démarche d’économie circulaire. Elle traite notamment les questions de conditions d’extraction des matériaux (devoir de diligence) et leur criticité, et surtout la fin de vie des batteries (Collecte et tri, réutilisation en seconde vie, recyclage pour réutilisation des métaux en boucle fermée, intégration de minima de pourcentage de matériaux recyclés dans les batteries).  

Ce texte impose également la déclaration de l’empreinte carbone des batteries mises sur le marché européen ainsi que des règles de calculs finalisées par le Joint Research Center (JRC service de la Commission européenne chargé de la science et de la connaissance).  

A ce jour, l’ensemble du texte réglementaire et de la méthodologie de calcul développée est principalement basé sur les technologies NMC et LFP. De même pour tous les effets d’annonces en Europe et à l’internationale qui se multiplient:

  • Course à “l’or blanc” : développement de mines de lithium en France et au Portugal   
  • Inflation Reduction Act aux Etats-Unis : plan qui prévoit des crédits d’impôts pour les investissements et la production dans le véhicule électrique et les batteries  
  • Annonce d’une cinquantaine de projets de gigafactories et des projets d’usines de recyclage d’une capacité de 645 kT de batteries à l’horizon 2030 en Europe, avec des procédés adaptés pour les batteries lithium-ion 

Aux vues des enjeux de criticité, les coûts économiques, la sécurité et les impacts environnementaux, l’industrie des batteries, et particulièrement en Europe, a rapidement investi dans des projets R&D pour trouver des solutions pour contourner ces problématiques. Plusieurs pistes sont explorées : LFP pour le cout, solid-state pour la sécurité, matériaux actifs organiques ou batteries X-ion pour la criticité etc. Parmi toutes ces solutions, les discussions autour d’une technologie sans lithium a été fortement priorisé.

La batterie sodium-ion : une technologie émergente


Après avoir investi dans la technologie NMC, le développeur et fabricant suédois de batteries Northvolt annonce en novembre 2023 la commercialisation de leur première batterie industrielle sodium-ion d’une capacité de 160Wh/kg, développée avec Altris.    

La batterie est fabriquée avec des matériaux abondants sur les marchés mondiaux, comme le fer et le sodium. Elle utilise également une anode en carbone dur et une cathode à base de blanc de Prusse (un dérivé du célèbre pigment de peinture bleu de Prusse). Cette composition permettrait de réduire la dépendance à la Chine en termes d’approvisionnement en matières premières.  

Bien qu’elle ne soit pas encore prête pour les véhicules électriques, cette nouvelle technologie sans matériaux critiques (lithium, nickel, cobalt et graphite) pourrait chambouler la dynamique du marché des batteries à l’échelle mondiale. Le leader mondial chinois de production d’accumulateurs lithium-ion les VE et de stockage d’énergie, CATL, annonce vouloir produire des batteries sodium-ion pouvant atteindre jusqu’à 200Wh/kg. Avec des capacités comparables aux technologies NMC et LFP, la batteries sodium-ion représente une alternative apriori plus durable et plus économique que ses concurrents. Cependant, le sodium étant 3 fois plus lourd que le lithium, la densité massique représente une contrainte technique majeure pour son application dans les véhicules électriques.   

L’année 2023 a été marquée par une chute drastique du prix du lithium. Selon Benchmark Minerals, une société de conseil spécialisée dans le marché du lithium et d’autres matières premières, son prix est passé sous la barre des 100 dollars/kWh (versus 130 dollars/kWh en novembre 2022).

La cause principale ? Une surproduction de batteries de la Chine qui a dépassé la demande mondiale qui entraine une baisse de la demande, qui s’ajoute à des nombreux gisements de lithium découverts, notamment 6Mt en Inde.  

C’est dans ce contexte que l’arrivée soudaine de la batterie sodium-ion de Northvolt sur le marché, risque de détrôner le lithium et de faire chuter davantage sa valeur.  

Tout ceci n’est pas sans conséquence. En effet, cela pourrait remettre en cause certains investissements et projets tels que le développement de mines de lithium en Europe et la construction d’usines de recyclage, dont les procédés sont principalement basés sur des gisements de batteries au lithium.   

Le risque serait de reproduire la même situation qu’a rencontré le groupe Solvay en 2016. Les ateliers de recyclage terres rares issues d’ampoules à basses consommations ont fermé dans les villes de Saint-Fons et la Rochelle en France, suite à l’arrivée sur le marché des ampoules LED.   

Comment se préparer pour protéger nos industries vis-à-vis de ces changements drastiques ? Un renforcement de notre veille technologique et des échanges entre les pays européens est peut-être nécessaire. Quelles stratégies adopter pour assurer une capacité de résilience de l’Europe ?  

L’exemple de Northvolt est l’illustration que les évolutions technologiques peuvent tendre vers un modèle durable pour la performance environnementale de nos services de mobilité de demain. 

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